Parcours patrimoine
Le moulin de la Mothe
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Le moulin du bonheur
Plus que tous les autres moulins du Loiret qui, pour la plupart, ont été modifiés au XIXe siècle, le moulin de la Mothe a conservé une grande partie de son architecture ancienne, qui lui donne un cachet tout particulier. Un moulin à peindre, à rêver, à aimer, à habiter, gardien fidèle d’une très longue histoire…
Histoire d'un moulin
C’était à l’origine le seul moulin appartenant, non à une communauté religieuse, mais à un particulier, le seigneur de la Mothe, Pierre de la Mothe vers 1400. Mais dès 1465 il avait été cédé aux religieuses de la Madeleine, qui s’étaient implantées au bord du Loiret au milieu du XIIe siècle, autour de leur petit oratoire de Saint-Julien ; elles surent, patiemment, étendre leurs propriétés au bord de la rivière, en achetant des terres, en faisant reconstruire leur moulin de Saint-Julien et en faisant l’acquisition du moulin des Béchets puis de celui de la Mothe. Ces trois moulins leur assuraient de bons revenus et approvisionnaient leur monastère en farine.
Au XVIe siècle et au début du XVIIe, le moulin de la Mothe avait changé de vocation et avait été loué par des artisans drapiers d’Orléans, Robert Bezard (en 1555), puis Louis Allain qui y foulaient leurs draps de laine. Ce dernier, marchand drapier au Portereau d’Orléans fit entièrement restaurer le moulin en 1595, après les troubles de la Ligue qui avait laissé le bâtiment très endommagé (il avait été transformé en bastion, tenu par une petite garnison, comme le moulin de Saint-Samson et celui des Béchets. L’occupation de ces petits fortins, d’abord aux mains des Ligueurs puis dans celles des troupes royales, avait empêché les meuniers de travailler entre 1590 et 1594). La paix revenue, confiant dans l’avenir et dans son beau moulin tout neuf, Louis Allain avait pris un bail de 95 ans. Malheureusement de nouvelles épreuves – catastrophes naturelles cette fois – attendaient le meunier et son moulin : l'année 1608 devait être particulièrement funeste pour Olivet et tout l’Orléanais. En effet après un hiver d'une extrême rigueur qui avait pris en glaces la Loire pendant des mois, une débâcle terrible survint en mars et détruisit en plusieurs endroits les levées ; l’eau s’engouffra jusqu’au Loiret détruisant tout. Les eaux s'élevèrent encore en juin, puis à la fin d'octobre. Le duc de Sully, qui avait été pris au piège par la montée des eaux dans son château de Sully et avait failli être emporté par la crue, raconte dans ses Mémoires que « entre Orléans et Olivet, tout l’espace n’était qu’une mer qu’on passait avec les bateaux par-dessus les faîtes des maisons. » Notre drapier, voyant ses projets ruinés par cette catastrophe, jeta l’éponge et céda son bail ; son repreneur maintint l’activité de foulonnage pendant quelques années. Mais à partir des années 1620, le moulin était redevenu moulin à farine, affermé par les religieuses à un meunier. Le loyer annuel était, en 1780, de 230 livres en argent et une douzaine de belles anguilles.
En 1790 les religieuses de la Madeleine étaient dépouillées de tous leurs biens et leur moulin de la Mothe était racheté par Thérèse Jogues (la soeur du propriétaire du château de la Mothe, qui était alors Pierre Jogues de Neuville). Il a fait par la suite partie des dépendances du château de la Mothe, dont la famille Didier est restée propriétaire jusqu’après la Deuxième Guerre Mondiale.
Longtemps le moulin de la Mothe n’eut ni chaussée ni pont. Il était relié au chemin qui conduisait de Saint-Samson à Olivet par un sentier qui traversait des prés en bordure du coteau, appartenant aux religieuses de Saint-Avy. Le trafic vers la rive nord se faisait en barque, ou, en période de basses eaux, en traversant à gué au niveau de Saint-Samson et en se frayant un chemin à travers quelques ilots. L’accès en devint plus facile avec la construction des petits ponts de la Mothe et des Béchets, et l’aménagement de la chaussée. Ces deux petits ponts, de la Mothe et des Béchets, furent détruits en 1870 par les Prussiens, privant alors les habitants d’un axe de passage très fréquenté.
Après avoir cessé ses activités de meunerie à la Première Guerre mondiale, le moulin de la Mothe est aujourd’hui une belle vieille demeure, restaurée et entretenue avec amour par ses propriétaires successifs, tous tombés sous le charme des lieux. Le premier qui se soit attelé à la restauration et à la transformation des bâtiments en maison d’habitation a été, à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, un commerçant orléanais spécialisé en appareillage électrique, qui avait dû se réfugier à Olivet, son immeuble ayant été détruit par les bombardements de 1944. Installé au moulin de la Mothe avec sa famille, il a alors entrepris de remettre en état de marche tout le mécanisme du moulin pour fournir sa propre électricité. Cette entreprise originale et courageuse fut saluée par la revue Archéologia, en 1974 : « À l’approche du dernier quart du XXe siècle, que reste-t-il des moulins du Loiret ? Le dernier en activité vient d’arrêter ses roues. En revanche des gens de goût les restaurent ; les services des Monuments historiques classent leurs façades. Le propriétaire du Moulin de la Mothe a utilisé ses dons de technicien et d’inventeur pour remettre la roue en action ; et sous les apparences esthétiques d’une charmante vieille demeure, se cache à l’intérieur d’un bâtiment dont les substructions remontent au VIIe siècle, une véritable petite usine électrique qui laisse à l’antique roue le soin d’assurer à l’habitation le confort le plus moderne. »
En 1984, un couple de pépiniéristes bien connus de Saint-Marceau décide de s’y installer : Xavier Dupont et son épouse Annick ont achevé avec beaucoup de goût la restauration du moulin, entretenant aussi le mécanisme, dont on peut toujours voir, à l’intérieur, le « rouet » ou petite roue en bois et en fonte, en état de marche. Quant à la roue en chêne, à l’extérieur, elle a été entièrement restaurée en 1999, et baigne dans l’eau en permanence pour éviter la détérioration du bois. C’est ainsi que le moulin de la Mothe, avec son architecture élégante et ses anciens mécanismes préservés, reste un vivant témoignage de cette ancienne industrie qui a si fortement marqué le paysage et le patrimoine olivetain.