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Le moulin du Bac
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Le moulin du Bac, le doyen des moulins du Loiret
Au fond du long bassin créé par la levée reliant le moulin des Béchets à la Mothe, se dresse la puissante silhouette du moulin du Bac, éclairée sur sa façade Est par les élégantes fenêtres cintrées. Restauré avec passion, toujours doté de sa roue et d’une partie du mécanisme, il a une très longue histoire : c’est, nous dit Louis d’Illiers, « sinon le plus ancien des moulins du Loiret, du moins celui qui a les plus vieux titres de noblesse. »
Une histoire qui remonte à la nuit des temps
Au moulin du Bac, nous entrons dans ce qui fut autrefois le domaine de l’abbaye de Micy : les moines, propriétaires de ce très ancien moulin depuis le Haut Moyen, étaient, à partir de ce moulin, maîtres de l’eau, des chaussées et des rives jusqu’à l’embouchure.
Les historiens locaux l’ont identifié comme le tout premier moulin installé sur le Loiret par les moines de l’abbaye de Micy, fondée selon la tradition par Clovis au début du VI siècle. Dès qu’ils furent installés sur ces terres marécageuses près de l’embouchure que leur avait données le roi, les moines les mirent en valeur et cultivèrent des céréales pour les besoins de la communauté. Ils établirent pour moudre leurs grains deux moulins flottants, c’est-à-dire installés sur des bateaux dans le courant du Loiret : ce type de moulin, remontant au VIe siècle et resté très fréquent sur la Loire orléanaise jusqu’au XVIIIe siècle, s’appelait dans notre région « moulin à bac ». De là viendrait très vraisemblablement le nom de moulin de Bac puis du Bac qui lui est resté.
Les moines, Bénédictins puis Feuillants (à partir de 1608), en restèrent propriétaires jusqu’à la Révolution. C’était, depuis toujours, un important moulin à farine, à deux roues, loué à des meuniers et qui rapportait, vers 1780, en loyer annuel, 12 muids de belle farine de froment au monastère. Des vignes, des prés et des terres labourables en dépendaient, ainsi que, de l’autre côté du chemin, une maison (remontant au XVIe siècle) entourée d’un jardin, où habitait le meunier.
Mais les moines ayant besoin d’argent acceptèrent en 1785 de le louer à de gros manufacturiers orléanais qui le transformèrent en moulin à foulon et qui le rachetèrent en 1790, lorsqu’il fut confisqué aux Feuillants et vendu comme bien national. Le moulin connut alors une intense activité industrielle.
En 1819, le propriétaire du château de la Fontaine, Léon-Hector Patas d’Illiers, l’acquiert et le fait surélever d’un étage ; le moulin a alors trois étages et une seule pièce par étage. Il retrouve son ancienne vocation de moulin à blé. Malheureusement les manques d’eau chroniques allaient entraver l’activité du moulin, malgré l’installation d’une machine à vapeur par le meunier Paul Soreau en 1898. À partir des années 1930, le moulin qui a cessé de moudre est transformé en ferme.
Une activité industrielle originale
Le sieur Benoist Héry avait créé à Orléans vers 1770 une très importante manufacture de bonneterie : il y employait 800 puis 1200 personnes, regroupant sur un même site cardeurs, fileurs, tisserands, foulons et teinturiers. Reconnue manufacture royale en 1774, elle était à la pointe de la technique de l’époque et son propriétaire menait des actions sociales remarquées : comme ses ouvriers se plaignaient de la cherté du pain, il avait créé une boulangerie au sein de son usine pour distribuer journellement du pain à tous ses employés. Quelques années plus tard, en 1785, ses deux fils, Nicolas et Guillaume Benoist ajoutèrent à la bonneterie traditionnelle (bas, bonnets et gants) la production de bonnets turcs, dits « gasquets » ou encore « bonnets à façon de Tunis ». Cette « bonneterie orientale » qui n’utilisait que de très belles laines et les meilleures teintures rouges (le kermès, acheté au prix fort dans le sud de la France) était très recherchée par les Turcs qui payaient leurs achats non en argent, mais en toiles, coton, café, tapis….
Cette industrie était alors florissante, et avait fait connaître le nom d’Orléans jusqu’au Levant. En 1785 les frères Benoist, pour en faire une dépendance de leur manufacture et y fouler les draps de laine de leurs bonnets turcs, louèrent le moulin du Bac aux Feuillants de Micy, pour 9 ans et pour le prix de 700 francs par an. Le moulin tournait à plein, avec ses deux roues. A la Révolution les frères Benoist rachetèrent le moulin pour y poursuivre leur activité industrielle, jusqu’en 1818 : on appela alors familièrement le moulin du Bac « moulin à calottes ». Ils rachetèrent également, pour en faire le même usage, deux autres moulins confisqués aux moines par la Révolution, situés un peu plus en aval sur la chaussée Saint-Santin : le Moulin Faulcheux et le Petit Moulin. Leurs bonnets turcs, de belle laine foulée grâce aux eaux du Loiret, ont obtenu des médailles d’or dans les grandes expositions industrielles, jusqu’au dernier tiers du XIXe siècle et se sont exportés dans les pays du Maghreb et du Levant, à Constantinople, Smyrne ou Alep…