Parcours patrimoine
La Quétonnière
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Petits châteaux au bord de l'eau...
Nous sommes au bout du bassin de Saint-Samson : en face de nous, sur la rive gauche, deux petits châteaux, cachés derrière les beaux arbres de leurs parcs, évoquent tout un art de vivre, à la fois aristocratique et champêtre, au bord du Loiret autrefois… Villebourgeon apparaît dans les plus vieux textes, au Moyen Age, sous le nom d’hôtel de la Vanoise, élevé sur le coteau, sur un clos de vignes appartenant aux Chartreux – ce nom de la Vanoise est resté à un quartier d’Olivet. Mais le domaine tel qu’il se présente aujourd’hui n’a été constitué qu’au XVIIe siècle, par le regroupement de parcelles achetées à des vignerons et aux Chartreux qui possédaient là un petit prieuré. Le manoir élevé alors par ses propriétaires (les Germé, une très ancienne famille de notables orléanais) devait être remplacé au XVIIIe siècle par la demeure actuelle, complétée d’une aile en retour au milieu du XIXe siècle
Un célèbre peintre-verrier à Villebourgeon
Parmi les très nombreux propriétaires qui se sont succédé à Villebourgeon, il y eut quelques figures originales, comme Jules Laurand (1829-1903), notable blésois, passionné par le patrimoine religieux et les vieilles pierres, qui était venu s’installer à Orléans et avait racheté le château de Villebourgeon en 1857, avec son épouse Marie-Céline Vignat qui appartenait à une famille orléanaise bien connue. Membre très actif de la Société Archéologique et Historique de l’Orléanais, il menait de nombreuses études historiques et archéologiques, puis il s’est peu à peu entièrement consacré à sa grande passion : concevoir et réaliser des vitraux, inspirés pour la plupart de ceux du début du XIIIe siècle de la cathédrale de Bourges. Il avait pour cela installé un premier atelier à Villebourgeon, et s’était attaché, avec le généreux mécène Théophile Jourdan, à exécuter de nouveaux vitraux pour l’église Saint-Martin d’Olivet. Toutes ces verrières XIXe ont aujourd’hui disparu, détruites par les bombardements en 1944. Par la suite Jules Laurand devait retourner dans le Blésois, au château des Montils où il créa un véritable atelier de peintre-verrier. C’est alors qu’il entreprit de refaire tous les vitraux de l’église Saint-Nicolas de Blois : cet ensemble qui avait suscité l’admiration de ses contemporains, n’existe plus aujourd’hui, victime du bombardement du 16 juin 1940. Une trentaine d’églises de la région Centre ont bénéficié de ses talents, surtout dans le Loir-et-Cher et Loiret.
La douceur de vivre à la Quétonnière
La création du domaine de la Quétonnière remonte au milieu du XVIIe siècle, lorsque Nicolas Toynard, d’une célèbre famille de magistrats orléanais, rachète au vigneron Antoine Bouet quelques quartiers de vignes sur le coteau, qu’il complète de parcelles sur la rive du Loiret qui appartenaient aux Jésuites de Saint-Samson. Il s’y fait construire une modeste maison de campagne pour venir s’y reposer le dimanche et surveiller les vendanges de son clos. Son fils Jean-Jacques Thoynard cède la propriété en 1688 à Jacques Denis de la Baraudière. Sa fille Marie Catherine Denis de la Baraudière reçoit en dot la Quétonnière lorsqu’elle épouse à Orléans en janvier 1700 Louis Marthagon de La Motte. Mais le couple ne conserve pas longtemps cette terre, et en 1710 Etienne Seurrat, riche marchand bourgeois d’Orléans, propriétaire de la raffinerie de sucre de Saint-Nicolas-Saint-Mesmin, et son épouse Madeleine de Loynes acquièrent le domaine et l’embellissent, transformant les vignes en beaux jardins. La Quétonnière devient alors une élégante demeure « aux champs », où l’on se réunissait entre voisins, entre cousins : les Seurrat étaient un peu chez eux sur les bords du Loiret ! On trouvait en effet Robert Seurrat de Guilleville à la tête de la Manufacture royale de la cire des Mulotières, Avoye Seurrat au château de la Fontaine, un cousin Aignan Seurrat de Lossi à Villebourgeon, Joseph Seurrat de Bel-Air au château de Bel-Air, des neveux les Vandebergue à Beauvoir… C’était l’âge d’or de l’industrie du sucre de canne à Orléans et le temps de la douceur de vivre dans ces petits châteaux du Loiret où se retrouvaient en villégiature ces « Messieurs les raffineurs » et leurs familles. En 1753, après le décès d’Etienne Seurrat, la Quétonnière revient à ses deux filles, Avoye, épouse d’un négociant orléanais en pleine ascension sociale, François Pinchinat, et Madeleine qui est entrée dans les ordres et est devenue Supérieure de l’Hôpital général d’Orléans. Le célèbre pastelliste Jean-Baptiste Perronneau, introduit auprès des Pinchinat par son ami le peintre orléanais Aignan-Thomas Desfriches, a réalisé en 1760 les portraits d’Avoye et François Pinchinat, ainsi que, en 1765, celui d’une de leurs filles, Elisabeth Félicité, représentée « en Diane » (ce dernier portrait a été acquis par le Musée des Beaux-Arts d’Orléans en 1973 et fait partie du précieux Cabinet des Pastels). Mais entretemps les Pinchinat ont préféré s’installer à La Fontaine, acheté pour sa sœur par un frère d’Avoye, Ignace Seurrat, en 1754. La Quétonnière n’en reste pas moins dans la famille, et passe aux mains de leur fille, Marie Anne Henriette Pichanat, qui a épousé un important manufacturier orléanais, Jean Clément Michel de Grillau, qui avait fait fortune dans la fabrication et l’exportation des « bonnets turcs ».
Un grain de folie à la Quétonnière…
À la fin de la Révolution, la Quétonnière a un nouveau propriétaire, et quel propriétaire ! Enrichi par le négoce et le raffinage du sucre, Jules David Joseph Laurent Gauthier va s’offrir, à la place de l’ancienne maison, une petite folie, qu’on devait appeler longtemps la « Folie Gautier » : il se fait construire une ravissante demeure au goût du jour, ornée à chaque extrémité d’une rotonde soutenue par des colonnes. Il trace autour de son château un parc à la mode anglaise avec des grottes et une terrasse circulaire sur l’eau, et, pour meubler une large pelouse, il fait édifier un petit temple rond de huit colonnes très original. Ce petit bijou architectural a la forme d’un temple romain, mais ses chapiteaux sont dans le genre égyptien, ornés de feuilles de lotus, rappelant les victoires de Bonaparte pendant la campagne d’Egypte et le style « retour d’Egypte » alors à la mode. Mais pourquoi a-t-on appelé ce petit château « Folie-Gauthier » ? Voici l’histoire, telle qu’elle est contée en 1868 par Deslignières dans un charmant opuscule, Le Loiret et ses rives :
« L’ancien manoir de cette belle et importante propriété se nomma d’abord la Quétonnière. Mais son nouveau propriétaire, nommé Gauthier, entreprit une nouvelle construction. À peine achevée, il voulut l’inaugurer par un banquet d’amis. Les nombreux convives, assis autour d’une table dressée dans les charmilles, complimentaient leur hôte sur l’heureuse distribution de son parc, sa belle situation, et le goût dont il avait fait preuve en dessinant les allées. Mais l’un d’eux, se tournant alors, observa que le château ne méritait pas les mêmes éloges, parce que sa façade principale donnait sur les champs au lieu d’être tournée vers le Loiret. C’est vrai, fut obligé de dire l’amphitryon interloqué : l’architecte a placé ma maison à l’envers ! Deux mois plus tard, les mêmes convives, rassemblés autour de la même table, retrouvaient le même château… Mais à l’endroit cette fois. De là le nom de Folie-Gauthier. »
Par la suite le château allait retrouver son ancien nom de la Quétonnière, qu’il porte toujours aujourd’hui.
Des éléphants au bord du Loiret
Quant à la célèbre gare à bateaux, plus tardive, elle n’a été installée là qu’à la fin du XIXe siècle, ainsi que le notait Emile Huet en 1898, au cours de ses Promenades pittoresques dans le Loiret : « Cette gare à bateaux a été construite assez récemment à la limite de la Quétonnière, dans un style luxueux et bizarre. Pour soubassement deux têtes d’éléphants dont la trompe s’allonge vers l’eau ; au-dessus, une proue de gondole argentée, un balcon, un clair vitrage, puis, plus clair encore et vraiment joli, un panneau de faïence décorée où un paon lutte de coloris avec un vase de fleurs. La faïence ainsi employée est vraiment décorative. » La tradition locale attribue cet édicule plein d’un charme exotique à Charles Garnier, l’architecte de l’Opéra de Paris. Et il semble bien que notre délicieux kiosque olivetain provienne de l’ensemble des pittoresques constructions conçues et élevées par Charles Garnier pour l’Exposition Universelle de 1889, pour illustrer une histoire de l’habitation humaine à travers les civilisations. Il est en tout cas bien dans la manière de Charles Garnier, qui avait créé pour cette Exposition mémorable quantité de pavillons, chalets et kiosques d’une fantaisie éclectique et exubérante, dont certains ont été rachetés après l’Exposition, démontés et reconstruits un peu partout en France. On peut aussi voir à Olivet, au bord du Loiret, en amont du pont Leclerc, au bout de l’impasse du Plissay, un adorable chalet suisse provenant également d’une des Expositions Universelles de la fin du XIXe siècle.